Chapitre 1

La République, Trois Républiques

Introduction

Le début du XIXe siècle est marqué par une alternance de régimes. Entre 1800 et 1870 les français ont été gouvernés par trois rois (Louis XVIII1815-1824, Charles X 1824-1830, Louis-Philippe1830-1848), deux empereurs (Napoléon Ier 1804-1815 et Napoléon III 1852-1870) et même brièvement par des consuls (Napoléon Bonaparte 1er Consul 1800-1804) et un président de la République (Louis-Napoléon Bonaparte 1848-1852).
Sur cette période la conscience politique et nationale des français va se forger à mesure que leurs droits augmentent (1848 : abolition de l’esclavage et mise en place du suffrage universel masculin) et que le pays se confronte à ses puissants voisins (concurrence coloniale et industrielle avec le Royaume Uni de Grande Bretagne ; guerre Franco-prussienne de 1870).

I. Ancrer la République dans la société française

Comment les différents gouvernements de la Troisième République parviennent ils à imposer en France les idéaux républicains de démocratie et de laïcité ?

Quels symboles naissent lors de cette démocratisation de la politique dans la société française ?

A) La IIIe République

  • La France 1870-1871 : de la guerre à la guerre civile

La guerre franco-prussienne débute le 19 Juillet 1870, l'armée française capitule à la bataille de Sedan, le 2 septembre. Napoléon III est fait prisonnier. A la suite de la défaite, des soulèvements révolutionnaires à Paris entrainent la création d'un gouvernement républicain de Défense nationale, sous l'autorité de Léon Gambetta et de Jules Favre. Ce gouvernement poursuit les hostilités en mobilisant toutes ses forces, mais il ne peut empêcher le siège de Paris et doit finalement capituler en janvier 1871.

Le 18 mars 1871, l'annonce des dures conditions de paix par le gouvernement de Thiers provoque le soulèvement de la capitale. La population parisienne entend par ailleurs défendre la République contre les tentatives de restaurations monarchiques. L'insurrection est surtout menée par des ouvriers et des artisans, qui forment les gros des bataillons de la Garde nationale.
Le gouvernement s'enfuit à Versailles. La Commune de Paris, fondée sur la démocratie directe, est proclamée après l’élection d'un conseil communal. Les "versaillais" reconquièrent la ville en envoyant l'armée sous les ordres du maréchal Mac-Mahon. Au cours de la "semaine sanglante " (21-28 mai 1871), l'insurrection est écrasée au terme de violents combats de rue, d'exécutions massives ("le mur des fédérés") et de nombreuses arrestations.

La Commune de Paris peut être interprétée comme une insurrection républicaine et patriotique dans la tradition jacobine du Paris de la Révolution mais préfigure également, comme l'écrivait Karl Marx, la révolution socialiste du prolétariat.

 

  • 1870-1879 : les débuts chaotiques de la IIIe République
La République est proclamée le 4 septembre 1870, la droite monarchiste est majoritaire au sein de l'assemblée nationale (Chambre des députés + sénat). Les députés sont élus au suffrage universel masculin le 8 février 1871. L'assemblée nationale porte Adolphe Thiers, homme d’État conservateur et orléaniste à la tête du pouvoir exécutif.  Les différents courants monarchistes ne parviennent pas à se mettre d'accord sur l'identité d'un candidat au trône, la République est alors une situation d'attente, gouvernement et assemblée nationale s'installent à Versailles.

La violence de la répression de la Commune redonne du souffle au courant républicain dirigé par Léon Gambetta qui remporte un certain succès aux élections partielles du 2 juillet 1871. Thiers, partisan d'un république conservatrice est remplacé au poste de président de la République par un monarchiste convaincu le maréchal Mac-Mahon. Le nouveau chef de l’État légitimiste mène un politique conservatrice et cléricale (il fait ériger le Sacré Cœur de Paris pour expier les crimes de la Commune). En 1874, la restauration de la monarchie est proche mais les tergiversations du comte de Chambord poussent les orléanistes à s'allier aux républicains.

Mac-Mahon :

Monarchiste (la fleur de lys) et militaire (armée, épée en bois ...), le maréchal-président se heurt à la volonté de la chambre des députés (palais Bourbon derrière son épaule gauche). En particulier au cours du printemps 1876 (événements évoqués par le gourdin dans sa main) :

- Élections de mars 1876 amène pour la première fois une majorité républicaine à l'assemblée, Mac-Mahon est contraint de choisir un chef de gouvernement républicain (Jules Simon).

- Le 16 mai 1877 Mac-Mahon force Jules Simon à démissionner et le remplace par un orléaniste (le duc de Broglie) aussitôt récusé par la chambre des députés. Mac Mahon prononce sa dissolution avec l'accord du Sénat et convoque de nouvelles élections. 

- En 1879, l'intégralité de l'assemblée nationale a basculé du coté des républicains, Mac Mahon démissionne, seuls des républicains dirigeront désormais la France. 

 


En 1875, les orléanistes alliés aux républicains votent les "lois contitutionnelles" qui instaurent un régime parlementaire qui accorde toutefois des pouvoirs importants au président :
- Le président nomme le gouvernement et peut dissoudre la Chambre des députés, élue au suffrage universel.
- Le Sénat élu par les représentants des collectivités territoriales (grands électeurs) forme un contrepoids conservateur.

- La chambre des députés et le sénat forment l'Assemblée Nationale : députés et sénateurs votent les lois et peuvent renverser le gouvernement.

B) Devenir citoyen d'un État moderne

  • Une République instable et fragile
Dans les années 1880, une crise économique provoque des tensions sociales qui débouchent sur une crise parlementaire : les républicains modérés ne sont plus à la tête que d'une courte majorité, face à eux deux groupes :
- Les socialistes et les radicaux forment l'aile gauche des républicains et font pression pour imposer des réformes sociales.

- Les antiparlementaristes et monarchistes, menés par le général Boulanger (ancien ministre de la guerre) tentent un coup d’État en octobre 1889.

  • Construire une démocratie libérale et laïque
La IIIe République associe le principe démocratique du suffrage universel à l'exigence libérale d'une protection du citoyen, en tant qu'individu , contre l'arbitraire de l’État.
En 1884, le suffrage universel est étendu à l'élection des maires et des conseillers municipaux de toutes les communes de France, Paris exceptée. La garantie du droit d'association et de la liberté de la presse (1881), l'autorisation des syndicats (1884) renforcent considérablement les droits des citoyens français.
Les républicains français sont les défenseurs du principe de laïcité : ils veulent émanciper les français de la tutelle de l’Église afin de former des citoyens indépendants, aptes à se forger leur opinion par eux-même.

Les lois scolaires et le service militaires participent de cette affirmation républicaine, permettant aux citoyens de se forger une vision patriotique de leur devoir citoyen. Les lois scolaires (1881-1882) votées à l'initiative du ministre de l'Instruction publique, Jules Ferry, qui instaurent l'école primaire laïque, gratuite et obligatoire.

C) Affaire Dreyfus : la France coupée en deux


En septembre 1894, une femme de ménage travaillant pour les services secrets français découvre à l'ambassade d'Allemagne à Paris une lettre anonyme qui semble indiquer la présence d'un traitre au sein de l’état-major français, espionnant pour le compte de l'Allemagne. Les soupçons se portent bientôt sur un capitaine d'origine juive alsacienne : Alfred Dreyfus. Un conseil de guerre, mu par des préjugés antisémites, le condamne pour trahison, en décembre 1894, à la dégradation et à la déportation sur l'île du Diable (Guyane).
Bien que l'innocence du condamné ait été prouvée dés 1896, les autorités militaires refusent un réexamen du dossier. En 1898, le romancier et journaliste Émile Zola publie une lettre ouverte intitulée J'accuse !, qui dénonce l'erreur judiciaire. Il lance ainsi "l'Affaire", qui a un grand retentissement en Europe et divise profondément la société française. Les "antidreyfusards" font primer l'autorité de l’État et l'honneur de l'armée sur les droits de l'individu. Les "dreyfusards", quant à eux, militent pour le respect des droits de l'homme et du citoyen inscrits dans la déclaration de 1789 et réclament la révision du procès. Ainsi, les "intellectuels" (le mot s'impose pour la première fois en France) se regroupent à cette fin au sein de la "Ligue des droits de l'homme".
En 1898, lorsqu'on découvre que les pièces à conviction contre Dreyfus étaient des faux, l'affaire revient devant le conseil de guerre à Rennes. Ce nouveau procès se conclut lui aussi par une condamnation, mais le chef de l’état gracie Dreyfus. L'affaire Dreyfus ne prend fin qu'en 1906 avec la réhabilitation d'Alfred Dreyfus.