Chapitre Introductif :

L'HISTORIEN ET LES MÉMOIRES DE LA SECONDE GUERRE MONDIALE

Introduction

Le passé laisse des traces susceptibles d’unir ou de diviser les hommes.
Sur un moment sombre comme la Seconde Guerre mondiale, les mémoires peuvent être douloureuses, occultés, passionnées, partielles ou officialisées.
Dans tous les cas, ce sont des discours, des représentations subjectives du passé, ainsi on distingue histoire (objective) et mémoire (subjective).
Le travail de l’historien est multiple sur les mémoires de la Seconde Guerre mondiale :
- relecture du conflit avec la mise en lumière des faits occultés.
- examine les différentes mémoires, relève les oublis et met en évidence le discours, le projet.
- Examine la place de ces mémoires (rôle du pouvoir, lobby)
- Prise de distance avec les débats publics.

I.1945-1960 : L’historien face à la mémoire immédiate

  A) Les mémoires héroïques


Travail à partir du discours de Malraux pour l’entrée au Panthéon de Jean Moulin

Notions abordées : unité nationale, résistancialisme, amnistie

 

  • Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, les français et sa classe dirigeante veulent en finir avec la guerre et restaurer l’unité nationale.  
  • En 1945, après une phase d’épuration, le mythe résistancialiste s’impose : tous résistants ! Deux mémoires entretiennent ce mythe de la France résistante : la mémoire gaulliste et la mémoire communiste. L’amnistie des fonctionnaires permet de faire oublier la collaboration, au moins en façade. 
  •  La mémoire gaulliste préfère gommer les clivages politiques et insister sur une vision unificatrice qui trouve son paroxysme avec le transfert des cendres de Jean Moulin au Panthéon en 1964. La même année est crée le Concours de la Résistance.  
  • La mémoire communiste insiste sur l’action centrale du PCF dans la résistance et prend le surnom de parti des 75 000 fusillés alors que les historiens estiment à 30 000 Français le nombre de fusillés (tous n’étaient pas communistes) par l’occupant pendant la guerre.

 

u sortir de la Seconde Guerre mondiale, les frança
is et sa classe dirigeante veulent
en finir avec la guerre et restaurer l’unité nation
ale.
En 1945, après une phase d’épuration, le mythe
résistancialiste
s’impose : tous
résistants ! Deux mémoires entretiennent ce mythe d
e la France résistante : la mémoire
gaulliste et la mémoire communiste. L’
amnistie
des fonctionnaires permet de faier oublier la
collaboration, au moins en facade.
La mémoire gaulliste préfère gommer les clivages p
olitiques et insister sur une vision
unificatrice qui trouve son paroxysme avec le trans
fert des cendres de Jean Moulin au
Panthéon en 1964. La même année est crée le Concour
s de la Résistance.
La mémoire communiste insiste sur l’action centrale
du PCF dans la résistance et
prend le surnom de parti des 75 000 fusillés alors
que les historiens estiment à 30 000
Français le nombre de fusillés (tous n’étaient pas
communistes) par l’occupant pendant la
guerre.

B) Les mémoires oubliées

- thèse du glaive et du bouclier : R. Aron
- le grand silence

  • Pour le général de Gaulle, le régime de Vichy est"nul et non avenu". Pour les forces politiques issues de la Résistance au lendemain de la guerre la priorité est de rétablir l'unité nationale et la puissance de la France. La défaite de 1940 est passée sous silence dé même que le régime de Vichy et surtout la collaboration active de ce dernier avec les autorités allemandes. Les principaux responsables (Pétain, Laval, ...) sont condamnés et l'épuration (organisée ou spontanée) est à l'origine d'un confit mémoriel durable selon qu'on la juge excessive ou trop clémente. 
  • Les débats sur les amnisties et condamnations prononcées à la Libération sont à l'origine de nombreuses tensions politiques dans les années 1950-1960. Par exemple, le général de Gaulle reproche en 1950 le maintien en détention par la Ive République, du maréchal Pétain. Après la mort de celui ci, l'association de défense de la mémoire du maréchal Pétain réclamera la révision de son procès et le transfert de ses cendres à Douaumont. L'Etat continuera jusque dans les années 1990 à faire fleurir la tombe du maréchal déchu lors des commémorations nationales du 11 Novembre. 
  • En dépit de l'émotion suscitée par le retour des déportés de la Shoah, les responsabilités de Vichy et de l'administration française sont passés sous silence. Les rescapés qui souhaitent témoigner se heurtent à une société et une classe politique peu réceptives à l'évocation de leur souffrance. Les mémoires juives et tzigane sont ainsi confondue avec une mémoire des déportés qui présentent le déporté politique comme modèle principal et héros. 

C) D’impossibles mémoires ?

 Certaines mémoires de la Seconde Guerre mondiale ont étés occultées en France .  

  • Les soldats français de 1940 : A la différence des soldats de 1914, les hommes mobilisés en 1939 ne sont pas victorieux des allemands ; après la débâcle 2 millions d’entre eux sont faits prisonniers. Si leurs noms ont étés ajoutés aux monuments aux morts ils restent toujours en retrait par rapport aux héros de Verdun ; pourtant : 90 000 morts et 120 000 blessés sont décomptés pour la seule période de 1939-1940.  
  • Les Malgré- nous : l’Alsace et la Moselle sont annexées par l’Allemagne en juin 1940 ; en 1942 les jeunes hommes naturalisés allemands contre leur volonté sont enrôlés dans la Wehrmacht et envoyés sur le front de l’Est mais aussi en France. Les volontaires, qui intègrent les unités SS sont confondus avec les enrôlés de forces dans la mémoire collective. En 1944 (10/06), 13 d’entre eux membres de la Division Das Reich participaient au massacre d’Oradour sur Glane (644 civils assassinés). Condamnés (Procès de Bordeaux) en 1953 ils seront amnistiés.  
  • Le STO : Les travailleurs du STO mis en place en 1943 se sont parfois comparés aux déportés mais fustigés par ceux qui s’étaient enfuies ou cachés ils sont considérés comme des lâches.  
  • Les déportés raciaux non juifs : Les tsiganes sans tradition écrite ont du mal à faire entendre leur mémoire, encore considérés par certains comme apatrides aujourd’hui ils gardent un statut de nomade qui les dessert, l’Etat français continue à l’heure actuelle à ne pas communiquer sur cette question.  Doc 5 p 23. 
  • Les autres déportés et victimes (ni raciaux ni politiques) : homosexuels et handicapés : des  minorités toujours peu commémorées aujourd’hui.  

Enfin que dire des enfants des Lebensborn ... 


II. 1960-1990 : L'historien s'empare des mémoires

A) La mémoire juive

Télécharger
Procès Eichman.pdf
Document Adobe Acrobat 457.6 KB
- Le procès Eichman :
  • Crée l’émotion et met fin au "grand silence".
  • Eichmann est au coeur du dispositif génocidaire, a laissé des mémoires (prise de notes : pour réfuter les preuves et prenant des notes lors de la déposition des témoins).
  • Ce procès permet aux historiens de connaitre de nombreux aspects du processus de destruction des Juifs d’Europe : shoah par balles, camion à gaz, chambre à gaz...
- Le chagrin et la pitié
- Paxton : (Manuel p 26 document 6)
  • Paxton utilise les archives allemandes de la 2ww conservées aux Etats-Unis.
  • Il n'a pas accès aux archives françaises car les archives ne sont pas consultables pendant 30 ans et il faut une dérogation du ministère de l’intérieur pour les archives judiciaires.
  • Véritable révolution qui revient sur le mythe résistancialiste.
Les années 70 vont marquer un tournant dans le travail des historiens de la 2nde ww avec l’apparition des "assassins de la mémoire" nommés ainsi par l’historien Vidal-Naquet.
En 1978 dans l’Express, Darquier de Pellepoix ancien commissaire aux affaires juives sous le régime de Vichy, affirme qu’à Auschwitz "on n’a gazé que des poux". L’article fait scandale et dévoile au grand jour les théories négationnistes. Jusqu'alors aussi peu médiatiques que les mémoires elles mêmes.

Vidéo sur le site de l'INA 

sur le Chagrin et la Pitié de M. Ophüls


B) Vichy :  un passé qui ne passe pas

Vichy, un passé qui ne passe pas : est un livre écrit par Rousso et Conan, journalistes français.
  • Il montre la persistance du mythe du résistancialisme chez les élites politiques comme François Mitterrand qui refusait de reconnaitre la responsabilité de la France dans la solution finale.
  • La Résistance c’est De Gaulle ; De Gaulle c’est la France donc la résistance c’est la France. Une équation fausse que le général avait lui même forgé pour garantir une place à la France dans le nouvel ordre mondial.
  •  Cependant le livre montre aussi une résistance plus complexe notamment par la présence d’une vichysto-résistance (expression de Jean Pierre Azéma) : personnages ayant soutenu Vichy et combattu les Allemands.
  • Ce livre montre aussi l’intervention de l’Etat dans la dissimulation des années noires de l’occupation. Par ex dans Nuit et brouillard (film d’Alain Resnais en 1956)le képi du gendarme français surveillant le transit des juifs vers les camps de la mort est dissimulé par une poutre.

C) Les grands procès et les débats mémoriels

  • Les années 80 90 voient la tenue de procès qui réveillent les mémoires et relancent une réflexion sur les notions de culpabilité et deresponsabilité. C’est le cas aussi du film de Claude Lanzmann «Shoah» en 1985.
  • Le réveil mémoriel provoque la traque des criminels de guerre notamment par Beate et serge Klarsfeld.
  • En 1987, Klaus Barbie, chef de la Gestapo de Lyon et tortionnaire de Jean Moulin est condamné à la réclusion criminelle à perpétuité notamment pour la rafle des enfants d’Izieu.
  • En 1994, Paul Touvier, ancien chef de la Milice lyonnaise est condamné à la réclusion criminelle à perpétuité pour l'exécution de sept otages juifs à Rillieux.
  • En 1997, le procès Papon, l’ancien secrétaire général de la préfecture de Gironde est condamné à 10 ans de réclusion et à la privation de ses droits civiques pour avoir supervisé la déportation de 1700 juifs vers Drancy.

III.  1990 à nos jours : l’historien et l’enjeu mémoriel

A) La reconnaissance

Télécharger
mémoires TS.pdf
Document Adobe Acrobat 397.3 KB

B) Quand la politique s’empare des mémoires

  • A leur tour les politiques entrent dans le débat mémoriel. Avec l’arrivée de la gauche en 1981, on pense que l’Etat va reconnaitre la responsabilité de l’Etat français dans la déportation.
  • Cependant François Mitterrand refuse de reconnaitre cette responsabilité. Cette position crée un malaise renforcée par le passé trouble de F M : Décoration de la francisque et participation au gouvernement de Vichy avant d’entrer dans la Résistance en 1943, diner avec Bousquet dans les années 80, fleurissement de la tombe de Pétain de 1984 à 1992.
  • La rupture intervient avec le discours de Jacques Chirac en 1995 lors de la commémoration de la rafle du Vel’d’Hiv : Doc 8 p26.

 C) La distance nécessaire entre Histoire et Mémoire

  • Face à l’accumulation de lois mémorielles (en particulier suite à la loi Gayssot), de nombreux historiens ont critiqué cette loi comme Pierre Vidal Naquet car ils considèrent qu’elle porte atteinte à la liberté de travail des historiens.
  • Pour les historiens il n’est pas admissible que l’Etat dicte une histoire aux historiens et surtout impose que cette histoire et pas une autre ne soit enseignée.
  • L’historien Jean-Pierre Rioux publie en 2006 La France perd la mémoire, il y rappel que l’historien doit tenir compte des mémoires mais ne doit pas en être le rédacteur : son travail est de confronter les mémoires. La transmission de la mémoire suscite l’émotion tandis que la recherche historique est fondamentale ment une recherche scientifique.
  • L’historien effectue donc un travail de mémoire et non pas un devoir de mémoire. Les historiens critiquent souvent les excès mémoriels et l’instrumentalisation de la mémoire par les politiques. Par exemple lorsque Sarkozy imposait en 2007 la lecture de la lettre de Guy Moquet, résistant communiste fusillé en 1941 à l’âge de 17 ans aux lycéens.

Un article très intéressant qui cite de nombreux historiens et philosophes.